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Travailleurs chinois en France : un statut hybride

Camp de travailleurs chinois

Camp de travailleurs chinois

En France, les travailleurs chinois ont un statut hybride. Ils sont considérés comme civils mais tombent sous le coup de la loi martiale, et ses conséquences éventuelles, y compris la cour martiale et la peine de mort. Ils sont cantonnés dans des camps, avec un encadrement français ou britannique selon le pays recruteur. Quelques interprètes trop rares tentent d’établir la communication avec le pays d’accueil. Mais le fossé est immense entre la population autochtone et ces nouveaux arrivés. La surprise est aussi grande d’un côté que de l’autre et les incompréhensions ne tardent pas.

Les situations de travail ne sont pas toutes identiques. Ceux qui sont affectés aux usines d’armement sont loin des combats. Mais ce n’est pas le cas des ouvriers affectés à des tâches de chargement ou d’aménagement de voies à proximité du front. Ils sont censés ne pas être associés aux opérations militaires mais cette clauses du contrat ne sera pas toujours respectée, surtout après la rupture des relations diplomatiques de la Chine avec l’Allemagne, puis la déclaration de guerre du 23 aout 1917. Après l’armistice, ils sont employés aux travaux de reconstruction, au nettoyage des tranchées, au rebouchage des trous d’obus et aux travaux de déminage du champ de bataille. Beaucoup y laisseront la vie.

Les travailleurs chinois sont censés être salariés au même tarif que les travailleurs français. C’est en particulier ce qui a été demandé par les représentants chinois et les syndicalistes français. Ceux-ci ne souhaitent pas qu’une main d’œuvre bon marché tire les salaires vers le bas. Ils réclament également les mêmes droits syndicaux pour cette main d’œuvre fraichement débarquée. Les travailleurs chinois feront d’ailleurs grève et manifesteront à plusieurs reprises pour protester contre la dangerosité de leur situation ou leurs conditions de travail.

Les salaires versés aux travailleurs chinois sont dégrevés des frais de logement, d’habillement et de nourriture, ce qui le diminue substantiellement, jusqu’à 50% de son montant, et ce bien que les conditions de logement soient précaires. Une partie est versée à la famille restée en Chine. Les conditions de travail elles-mêmes sont différentes selon les endroits. Toutefois, on évoque le plus souvent des journées de 10h sans repos hebdomadaires. Il semble pourtant que le Mouvement Travail Etudes invite ses compatriotes à profiter du dimanche, et donc de la pause dominicale, pour apprendre le français et visiter des musées. Quoi qu’il en soit, les travailleurs chinois, paysans pour la plupart, et donc mal préparés aux travaux d’usine, habitués à davantage de liberté dans les travaux des champs, ayant beaucoup de mal à s’adapter à la nourriture européenne, souffrent de cette situation.

Des bras pour quoi faire ?

Charger et décharger les bateaux, entretenir les routes, construire et réparer les voies de chemin de fer, construire des abris, des aérodromes et tout ce qui est utile à un pays en guerre. A l’arrière, faire tourner les usines et en premier lieu les usines d’armement, voilà pour les tâches essentielles dévolues aux ouvriers chinois. Mais dans le secteur des combats, certaines tâches deviennent au mieux pénibles, au pire dangereuses. Des ouvriers se plaignent et se révoltent de devoir supporter des bombardements et des tirs allemands. Après guerre, des travaux de déminage avec les risques que cela comporte, seront confiés aux travailleurs chinois. Il leur faudra également ramasser les corps des combattants et les enterrer. Mais cette situation ne perdurera pas.

Près de 3 000 tombes chinoises sont recensés au lendemain de la guerre dans les cimetières militaires mais les bombardements et les opérations de déminage ne sont pas les seules causes de mortalité. La maladie et les conditions de vie difficiles sont également à l’origine de ces décès. Certaines sources évoquent le chiffre de 20 000 chinois disparus.

Les soldats démobilisés, les travailleurs chinois n’ont plus d’utilité et sont rapatriés vers leur patrie. Les premiers bateaux sont affrétés au lendemain de l’Armistice. La plupart ne seront restés que quelques mois, bien que leurs contrats de travail aient été signés pour cinq ans. Toutefois, 2 à 3000 chinois pourront rester en France et constitueront la première communauté chinoise importante du pays. Des descendants directs de ces migrants de la grande guerre témoignent encore aujourd’hui de ce que fut le destin de leurs parents.